La maturation embryonnaire est une des étapes les plus importantes lors d’un protocole de PMA. Pour en savoir plus sur les enjeux de la maturation embryonnaire, j’ai posé quelques questions à Leonor Ortega, directrice du laboratoire FIV de la clinique Vida Fertility.
En quoi la maturation embryonnaire est-elle un enjeu pour la réussite du projet bébé ?
Le développement embryonnaire en laboratoire, ce sont les tous premiers instants de vie des embryons avant même leur transfert dans l’utérus maternel. Durant ces quelques jours, les premières divisions cellulaires ont lieu et c’est un moment capital pour la viabilité des embryons et donc d’une grossesse évolutive.
Pour cela, il est primordial de réunir tous les facteurs ayant un impact sur le bon développement embryonnaire, que ce soit sur l’équipement du laboratoire, ses conditions techniques et environnementales ou les professionnels en charge de cette étape cruciale pour le projet bébé.
Pourquoi est-il plus intéressant de transférer un embryon à J5 plutôt qu’un embryon à J3 ?
Chez Vida Fertility, nous ne transférons que des embryons à J5, pour plusieurs raisons, la principale étant une meilleure sélection embryonnaire. En effet, un embryon à J5 – appelé blastocyste – nous donne beaucoup plus d’information et de probabilité d’implantation qu’un embryon à J3. Il faut savoir qu’il existe une sorte de sélection naturelle durant le 4ème jour de développement et un certain nombre d’embryons n’atteignent pas ce stade de blastocyste. Cela s’explique en grande partie par l’activation du spermatozoïde dans la division cellulaire et plus le nombre d’embryons qui stoppent leur développement à J4 est important, plus il y a de fortes chances que la qualité du sperme soit une des causes du problème de fertilité.
Transférer à J5 nous permet donc de nous assurer d’avoir un embryon avec une bonne évolution, d’éviter de transférer un embryon qui n’aurait pas survécu à ce changement de stade de développement (avec tout ce que cela comporte économiquement et émotionnellement parlant pour les patient(e)s) et nous apporte une information importante sur la qualité spermatique.
Par ailleurs, un transfert à J5 reproduit beaucoup mieux les conditions d’une implantation naturelle dans l’endomètre maternel puisque l’arrivée d’un embryon naturel dans l’utérus se fait à ce moment – les premiers jours après la fécondation, il se trouve encore dans une des tube utérins (Trompes de Fallope).
Quelles sont les grandes étapes de la maturation embryonnaire ?
Pour bien comprendre le développement embryonnaire en laboratoire, revenons sur ses principales étapes. Tout d’abord, le premier jour post-fécondation, on parle de zygote. Il contient 2 pronuclei (noyaux), chacun porteur du matériel génétique (ADN) de l’ovule et du spermatozoïde. Puis le zygote commence à se diviser et devient un embryon (J2 et J3 de développement) avant de passer au stade de « morula » le quatrième jour. Ce terme vient de la « mûre », le fruit, car la division cellulaire s’intensifie tellement qu’on ne distingue plus les différentes cellules qui commencent à se compacter et l’embryon à un aspect de mûre. Si cette étape se déroule correctement, l’embryon passe alors à la dernière étape de développement in vitro : le blastocyste (J5 ou J6). Sa morphologie est très caractéristique : les cellules après s’être compactées, se sont divisées en deux zones bien distinctes qui donneront lieu, pour l’une, au placenta, pour l’autre au bébé. À ce moment-là, le blastocyste a environ 150 cellules et possède une structure adéquate à une bonne implantation dans l’endomètre.
A quoi sert la technologie Time Lapse présente dans certains incubateurs ?
La technologie time lapse permet de prendre des « clichés » des embryons en continu pendant tout leur développement in vitro sans avoir besoin de les sortir de l’incubateur.
Cela nous aide donc à effectuer une meilleure sélection embryonnaire pour le transfert. En effet, le time lapse nous permet d’analyser chaque moment et non juste un instant « t » de la division cellulaire des embryons. Par exemple, deux embryons morphologiquement similaires au moment du transfert ne se sont peut-être pas divisés, compactés de la même façon ou au même moment et dans la classification qualitative d’un embryon, la question de « comment » est-il arrivé au stade de blastocyste est très importante.
Quelles sont les facteurs qui favorisent une bonne maturation embryonnaire?
Il va sans dire que la qualité des gamètes joue un rôle fondamental dans la bonne évolution du développement embryonnaire.
Cependant, les conditions de laboratoire peuvent faire la différence et il est capital de contrôler tout facteur pouvant avoir un impact, comme par exemple : utiliser un milieu de culture dans lequel se développe les embryons de qualité, avoir un excellent contrôle de la température, de l’humidité, de la concentration des gaz, être en hypoxie lorsqu’on effectue une maturation embryonnaire longue.
Enfin, il faut également compter sur des professionnels de qualité qui excellent dans la réalisation de chaque étape d’une FIV et qui savent analyser les données reçues. Il faut savoir que tous ces éléments et ces conditions représentent l’essentiel des frais d’un traitement de PMA et expliquent la variation de son coût d’une clinique à une autre.
L’embryoglue est-elle un truc marketing ou a-t-elle un véritable impact sur la maturation embryonnaire?
L’EmbryoGlue est un milieu de culture parmi beaucoup d’autre qui existe sur le marché et sa différence c’est qu’il est enrichi en acide hyaluronique (AH), une macromolécule qu’on retrouve dans le corps humain, entre autres dans l’utérus.
C’est un bon milieu de culture, mais à l’heure actuelle, les études scientifiques sur le sujet n’ont pas démontré d’amélioration statistiquement significative en comparaison à d’autres milieux de qualité.
Quand débute la nidation dans l’utérus et combien de temps dure-t-elle ? Peux-tu nous décrire ce qui se passe au moment de la nidation ?
En cycle naturel, la nidation se fait entre J7 et J9 après l’ovulation. En PMA, si on transfère un embryon à J5, J6 ou même J7, la nidation se fait entre 24h et 48h (max. 72h) après le transfert embryonnaire. C’est un processus qui se réalisent en plusieurs étapes. Tout d’abord, il y a éclosion du blastocyste, qui sort de la membrane pellucide qui l’entoure. Puis, on passe à une phase d’apposition durant laquelle l’embryon s’oriente dans l’endomètre, cherche une place afin de s’y loger, avant d’entrer en phase d’adhésion – il adhère à l’épithélium endométrial – puis finalement en phase d’invasion, lorsque le trophectoderme pénètre dans l’endomètre et entre en contact avec le sang maternel.
Quels sont les facteurs qui favorisent une bonne nidation/implantation ?
Une bonne implantation/nidation dépend essentiellement de deux choses : d’une part, la qualité de l’embryon et d’autre part de l’endomètre. Celui-ci doit non seulement avoir une grosseur adéquate pour permettre à l’embryon de passer par toutes les phases de la nidation mais il doit également être « réceptif », c’est-à-dire être prêt (hormones, capteurs de réceptivité) à accueillir l’embryon.
Or, certaines femmes ont ce qu’on appelle une fenêtre de réceptivité déplacée et/ou une activité immunitaire altérée qui peuvent empêcher ou gêner l’implantation et qu’il faudra vérifier en cas d’échecs d’implantation à répétition.
Faut-il s’inquiéter des saignements / spottings en tout début de grossesse ?
Le plus souvent, il n’y a aucun signe ou symptôme d’implantation. Il est donc tout à fait normal de ne RIEN ressentir. Parfois, les patientes ont de petits saignements qu’on appelle « saignements d’implantation » qui se produisent lors de la phase d’invasion du trophectoderme dans l’endomètre qui, comme son nom l’indique, s’introduit dans un espace qui n’était pas le sien. Cela peut provoquer la rupture de petits vaisseaux sanguins, ce qui explique les légers saignements.
Il ne faut donc pas paniquer si on a quelques pertes de sang quelques jours après le transfert, mais il faut néanmoins en avertir votre clinique. En effet, selon leur importance, leur fréquence ou s’il existe d’autres symptômes, votre spécialiste devra en tenir compte et peut-être modifier votre plan de traitement post-transfert.
Merci à encore à Leonor Ortega, directrice du laboratoire FIV chez Vida Fertility, pour ces réponses très complètes.
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